
ELLES
Je dessinerai le visage bleu du ciel. Je dirai
qu’il pleut l’azur sur les contours
gagnés par la couleur sans tache
d’une parole secrète.
Je crierai les noms trois fois, corne de brume
sur la terre dévastée des Sans Visage.
Je ferai libre le poème bougé sur la feuille d’ombre
où les noms se bousculent. Visage !
Pour échapper, que soit nommée
la perte rouge du cri
par la grille du soupirail muet muré.
Isabelle Lévesque, octobre 2021

Comme des lampes allumées
La peinture, comme l’écriture, nous est donnée pour que nous ne restions pas dans la seule privation de sens face à ce que la vie contient de violence, d’injustices et de mort. Chacune nous aide à saisir une histoire partagée et la réalité de notre condition humaine. Les œuvres récentes que nous offre le peintre Fabrice Rebeyrolle, en prise avec l’actualité du monde, nous invitent une fois de plus à penser l’incompréhensible en interrogeant nos mémoires et nos sensibilités, nos consciences et nos inconscients.
Dans ce recueil, 11 œuvres, toiles et papiers choisis par le peintre, ont inspiré 11 poèmes à l’écrivaine Isabelle Lévesque, et leur mise en résonance permet d’instaurer un dialogue entre passé et présent, réel et vision, geste et voix.
Fabrice Rebeyrolle joue sur des plans plus ou moins éloignés pour ces formes informes, femmes voilées dont il fait des images de la solitude et du mystère. Car « Elles », comme les désigne la poète, retranchées dans leur anonymat, que ressentent-elles, que pensent-elles de ce qu’on leur impose ? Certes, de leur intériorité nous ne saurons que ce que la poète en elle fait parler, mais les tableaux nous montrent, tels bâtons d’aveugle les uns pour les autres, leurs corps vacillants soudés. Et ensemble ou seuls, ne révèlent-ils pas une verticalité, peut-être même une sororité, propres à l’humain ?
La peinture de Fabrice Rebeyrolle, artiste contemporain, montre moins de complaisance, plus de lucidité que celle des artistes de l’Orientalisme qui l’ont précédé dans la représentation de la femme musulmane. Ces tableaux, qui semblent trancher dans son parcours de création parce qu’ils sont plus directement « engagés », résonnent pourtant avec d’autres figures dans son œuvre, images tragiques de notre condition.
Comme les mots d’Isabelle Lévesque, ils gardent en mémoire le combat que les hommes et les femmes doivent mener pour accéder un jour à la vie vivante. Peintre ou poète en dialogue, tous deux osent aujourd’hui affronter les abîmes d’une humanité toujours inachevée. Se confrontant à la diversité des cultures à travers le sort qu’elles réservent aux femmes, leur quête croisée met en lumière la nécessité d’un universel et le chemin d’une résistance à l’inhumain.
La peinture, comme la poésie, apparaissent alors comme ces lampes qui s’allument pour que « la nuit ne soit pas totale » et nous d’éternels égarés.
Sylvie Fabre G., préface du recueil ELLES, novembre 2021






Voilée XXVII - 80 X 80 cm - 2022

Voilée XXVIII - 80 x 80 cm - 2022

Voilée XXIX - 80 X 80 cm - 2022



Voilée XXIII - 55 x 46 cm - 2021

Voilée XXIV - 55 x 46 cm - 2021

Voilée XXV - 55 x 46 cm - 2021

Voilée XXVI - 55 x 46 cm - 2021










Gravure : ELLE - 26x26 cm - 2023
Livre d'artiste
« ELLES »
"ELLES"
Fabrice Rebeyrolle
Isabelle Lévesque
aux Editions Mains-Soleil
Onze oeuvres de la série "ELLES" du peintre Fabrice Rebeyrolle ont inspiré onze poèmes à la poète Isabelle Lévesque.